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Je suis naturellement grand, beau, j’ai le teint buriné par le soleil et le sourire enjôleur et des mocassins à gland, un très gros zizi et une absence totale de lucidité sur mes qualités et mes défauts !

J'ai un blog sur lequel j'aime enquiquiner le monde : Petites chroniques désabusées d'un pays en lente décomposition...

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Le MEDEF sort son bazooka

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Effervescence en Socialie Française ! Des propositions révolutionnaires sur le code du travail auraient été émises ! Et alors que l’opinion publique, le parti socialiste, la gauche de la gauche et les journalistes se remettent à peine d’un remaniement ministériel éclair qui aura permis l’avènement d’un Nouveau Gouvernement de Combat Plus Mieux, avec, même, un petit parfum de drouate, c’est au tour du syndicat des patrons de tenter un chambardement inouï dans le statu quo.

Et quel chambardement, puisqu’il s’agit ni plus ni moins, pour le MEDEF, que de s’attaquer à quelques unes des vaches les plus sacrées de la République Citoyenne & Festive.
Citoyenne et Festive, depuis 1789Dans une furie révolutionnaire apparemment sans limite, on apprend en effet que le Medef propose de pouvoir supprimer des jours fériés, de déroger à la durée légale du travail, ou s’affranchir du salaire minimum, en utilisant le prétexte — qu’on devinera évidemment fallacieux (les patrons sont fourbes, ne l’oubliez pas) — de la création de centaines de milliers d’emplois. Ces propositions, aussi hérétiques que médiatisées (c’est dire), sont rassemblées dans un document que Les Echos se sont empressés de compulser pour en extraire, notamment, la petite phrase de conclusion, bien saignante :

« Il s’agit avant tout d’animer un débat […] Notre conviction est que nous n’avons pas “tout essayé contre le chômage”, nous avons juste essayé ce qui n’a marché nulle part et oublié ce qui a fonctionné partout. »

Oh ! Que voilà un tacle bien appliqué dans les gencives des gouvernements de ces quarante dernières années ! Et ma foi, ce n’est pas si mal vu si l’on se rappelle qu’en effet, les solutions qui furent tentées ces dernières décennies ressemblent toutes, à s’y méprendre, à des bricolages sociétaux et économiques favorisant largement le salarié au détriment de l’employeur, la sauvegarde des positions acquises au détriment de l’adaptabilité et de la souplesse, et plaçant la redistribution et l’aide sociale bien au-dessus de la création de richesse. Et il est vrai que revenir en arrière sur le SMIC, sur la répartition du temps de travail ou les modes de contractualisation d’un emploi n’entrent vraiment pas dans les solutions déjà appliquées, et encore moins proposées, en France récemment.

À première vue, voilà qui devrait déclencher un « youpi ». Mais revenons sur terre deux secondes.

D’une part, on ne peut pas s’empêcher de penser que l’organisation patronale a tout de même mis du temps avant de sortir ce genre de « solutions », qui s’apparentent, dans le paysage politique habituel, à une véritable attaque au bazooka (même si, soyons clair, la croissance ne peut pas reposer, même dans les rêves les plus humides des politiciens et des organisations patronales, sur une paire de jours fériés travaillés). Plus exactement, disons qu’ils ont mis des années avant de rassembler le courage de proposer ce package pourtant modeste, et de bénéficier d’une situation suffisamment « favorable » pour qu’il soit relayé et écouté avec un minimum d’attention. Par « favorable », on entend « favorable à la réception des idées » … Quelque part, cela en dit long sur l’étendue de la catastrophe qui se joue actuellement dans le pays : même les capitalistes de connivence commencent à comprendre que le trop-plein d’État finit par leur nuire.

D’autre part, il est facile de revenir aux tristes réalités de terrain : les organisations syndicales habituelles vont nous y aider, en nous rappelant que ces vénérables institutions, dont le financement, particulièrement opaque, tient bien plus souvent de la comptabilité mafieuse que de la petite association de quartier, sont farouchement contre tout ce qui pourrait s’apparenter de près ou de loin à une perte de leurs prérogatives. Normalement, les « forces de propositions », c’est eux, pas le patronat. Normalement, ceux qui ont de « vraies » solutions pour trouver des emplois par miyons, c’est eux, pas le patronat. Et normalement, dès lors qu’il s’agit de toucher aux drouazakis, les syndicats se dressent comme un seul homme pour crier un « No Pasaran » ferme et déterminé, à peine couvert par la sono de Gégé qui vend des merguez en queue de manifestation.

Et s’il s’agit de tripoter le SMIC, fricoter avec le travail le dimanche ou les jours fériés, ou encore malaxer délicatement les 35 heures, immédiatement nos amis se retrouveront sur le passage pour s’opposer. Ainsi, pour Mailly, le secrétaire général de Force Ouvrière, de telles propositions conduiront à l’évidence « le pays à sa perte » et comme il n’était pas en reste d’une petite exagération caricaturale ou deux, coincé qu’il est dans ces années charbonneuses et terribles qu’un Zola décrivit sur de longues pages, il a même rajouté :

« Ce n’est pas négociable ce genre de choses. La France ne se gère pas comme une entreprise privée. La prochaine étape, c’est quoi : on va faire travailler les enfants ? »

Voilà, c’est dit : pas négociable, pas une entreprise privée, travail des enfants, misère noire, chatons morts, patatras.

revoir le code du travailAu moins, les choses sont claires : la garde et l’arrière-garde crypto-communiste des syndicats ouvriers, dont la représentativité, inversement proportionnelle aux subventions publiques reçues, leur permet toute outrance, seront vent debout contre toute velléité du patronat à proposer la moindre bricole, la moindre expérience ou tentative d’expérience qui pourrait éventuellement relancer l’activité.

C’est gênant, à plusieurs titres.

D’abord, parce que l’expérience aurait un aspect fort ludique, à commencer par la fonction publique, surtout lorsqu’on se rappelle que cette dernière est le cœur de cible de ces syndicats arc-boutés sur leurs certitudes badigeonnées de Zola. En effet, en terme de droit du travail et de gestion des horaires légaux, cette fonction publique se pose un peu là : entre les avantages qu’aucun texte ne semble réguler ni encadrer, et les dérapages d’horaires ultra-favorables aux employés publics, le fait de simplement appliquer le droit actuel permettrait de dégager un volume d’heures de travail assez conséquent. Et puis après tout, pour remettre la France au travers, pourquoi ne pas inclure aussi sa fonction publique ?

antigone code du travailEn outre, quand bien même les solutions proposées par le MEDEF sont particulièrement blasphématrices, pourquoi ne pas tenter le tout pour le tout ? Après tout, de l’aveu même d’un Premier Ministre dont on ne sait pas ce qu’il gouverne exactement, si la situation n’est pas un peu meilleure d’ici trois à six mois, « ce sera foutu ». Bon, certes, on sent bien la petite phrase pratique pour mobiliser les troupes, jouer à se faire peur et tenter de rallier l’opinion à sa démarche, mais indépendamment de ce petit calcul, quel risque existe-t-il à appliquer les mesures proposées ?

Plus de chômage parce que les entreprises travailleraient plus longtemps, ou plus de jours ? Difficile à croire. Plus de pauvreté et Zola à tous les étages, alors que d’autres pays montrent tous les jours, avec leurs règles bien plus souples, qu’il n’en est rien ? Alors quoi ?

Non, décidément, les propositions du MEDEF sont, bien qu’absolument iconoclastes, intéressantes, et précisément parce qu’elles osent ainsi s’attaquer à des tabous, elles rouvrent un débat qu’on n’avait plus entendu dans le pays : la place réelle de la loi et de l’immixtion de l’État dans la vie des individus. Par exemple, pourquoi le trouve-t-on, sous la forme de codes toujours plus gros, à l’interface entre l’employeur et le salarié, pour déterminer salaire, jours ouvrés et modalités de paiement ?
Autre exemple, pourquoi doit-on avoir une loi qui spécifie pour tous et pour chacun le temps légal ? Pourquoi ne peut-on se contenter de grands principes, à la fois évidents et sains, et laisser aux adultes entre eux, au niveau individuel et éventuellement épaulés de syndicats réellement représentatifs, le soin de s’organiser et déterminer, entre eux, ce temps de travail qu’il semble absolument indispensable de légiférer au yeux du politicien moyen ? Pourquoi ce qui marche, finalement, dans tant de pays civilisés, où, non, on ne nage pas au milieu d’exploitation de l’Homme par l’Homme avec des Bêtes Humaines et des Assommoirs à tous les coins de rue, ne marcherait-il pas en France ?

Le débat s’ouvre donc. Il aura fallu des années d’atermoiements et de stupidités collectivistes pour en arriver là, des décennies perdues et des millions de vies abimées par le chômage, la misère et les expédients douteux. C’est une bonne chose et on peut même rêver qu’il aboutisse à un léger mieux. Mais en attendant, l’assemblée est toujours socialiste. Le gouvernement est toujours socialiste. Le sénat est encore socialiste. Le président est toujours socialiste. L’opposition est toujours socialiste. Les autres partis sont encore et toujours socialistes. Les syndicats sont aussi socialistes que possible. Et le peuple, qui souffre et rouspète, maugrée en silence en souhaitant … un peu plus de socialisme.

C’est pas gagné, cette histoire.
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